Bonjour, pouvez-vous nous présenter votre job ?

Bonjour, je suis Anne-Sophie CARTIER, orthophoniste et je travaille à l’hôpital Rothschild (Paris 12e) depuis bientôt 2 ans. Je m’occupe principalement de patients atteints de pathologies du système nerveux central (comme la sclérose en plaques) ou de myopathies (maladie de Steinert et FSH, principalement), dans les services de neuro-orthopédie et d’hôpital de jour du Professeur Thoumie.

Pouvez-vous nous préciser l’atteinte faciale dans la FSHD ?

En général, l’atteinte musculaire est asymétrique et plutôt sélective, touchant principalement les orbiculaires (muscles des joues et des lèvres). Des difficultés à fermer les yeux sont également parfois constatées. A noter que cette atteinte est globalement peu évolutive dans le temps.

Il n’y a parfois aucune atteinte faciale malgré un diagnostic certain de FSH.

A l’inverse, l’atteinte faciale peut être majeure, rendant le visage figé et peu expressif, pouvant entrainer des difficultés de communication non verbale (difficultés à transmettre les émotions comme la joie, la tristesse, la colère…) mais également de communication verbale (articulation des sons). Certains gestes comme gonfler les joues pour gonfler un ballon, boire avec une paille ou encore siffler deviennent difficiles voire impossibles.

Il faut préciser également qu’il est possible qu’aucun retentissement sur la production de la parole ne soit constaté malgré une atteinte importante des muscles faciaux, car des compensations inter-muscles sont possibles.

L’orthophonie est indiquée dans la FSH environ dans 50% des cas, en raison de cette atteinte de certains muscles faciaux.

 

Certains myopathes FSH souffrent de troubles de déglutition. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

De nombreux muscles et organes entrent en jeu dans le processus de déglutition, et si l’existence des troubles de déglutition dans la myopathie FSH est débattue, elle est malgré tout parfois constatée. En effet, certains cliniciens pensent que l’importance de ces troubles est sous-estimée.

L’origine de ces troubles est également discutée : faiblesse musculaire oro-faciale, pharyngée ou œsophagienne ? Origine neurologique ? A l’heure actuelle, rien n’est confirmé.

Malgré ce débat, en clinique, on constate qu’il est assez fréquent de recevoir des patients FSH qui expriment une plainte à ce sujet. Ces plaintes sont variées : « blocages dans la gorge », fausses routes en mangeant ou en buvant, voire avec la salive, provoquant une toux importante, ou encore régurgitations nasales…

Dans tous les cas, ils ont rarement de conséquences sur le plan nutritionnel mais peuvent malgré tout générer une certaine angoisse au moment des repas.

Un examen ORL peut être indiqué. Une consultation avec une orthophoniste peut également être proposée, afin d’obtenir des conseils adaptés aux difficultés constatées.

 

 

Concrètement, quelle est votre prise en charge à l’hôpital ?

Quand je reçois les patients, j’effectue un bilan (en fonction de la plainte que ces derniers expriment). Ce bilan comporte une évaluation de la force et de la mobilité des muscles bucco-faciaux, entrant en jeu dans la parole et la déglutition (langue, joues, lèvres, voile du palais, muscles laryngés et pharyngés), ainsi qu’une évaluation plus fonctionnelle de la déglutition (mises en situation : déglutition de salive, d’eaux plate et gazeuse, mastication, capacités de toux, etc).

En fonction des résultats obtenus, cela débouche sur une prise en charge adaptée aux déficits constatés.

 

Je crois que vous préconisez des techniques d’auto-massages ? 

Dans cette pathologie, on peut conseiller aux patients d’effectuer des « massages » des muscles faciaux hypotoniques pour les solliciter et des muscles faciaux sur-stimulés (qui compensent ceux qui manquent de tonus) pour les détendre. Ils doivent être effectués du haut (front) vers le bas (cou) et du centre vers l’extérieur. Il est possible de faire ces stimulations en externe (en bleu sur le schéma) et en interne, donc à l’intérieur de la bouche (en gris et rouge). Ne pas hésiter à stimuler également les muscles du cou.

Figure 1 Massages faciaux et endo-buccaux (ci-contre)

Il est également possible de renforcer les muscles hypotoniques, en réalisant une série d’exercices adaptée aux déficits du patient (devant un miroir de préférence, afin d’éviter les compensations musculaires). Par exemple :

  • maintenir un bouton à la verticale entre les dents et les lèvres, ce bouton étant rattaché à un fil sur lequel on exerce une traction, le but étant de contracter les lèvres afin de maintenir le bouton à sa place,
  • Pincer une pince à linge entre les deux lèvres et essayer de l’ouvrir à la force des lèvres
  • Gonfler les joues, exercer une pression et essayer de retenir la fuite d’air labiale
  • Répéter u/i en exagérant l’articulation

 

Sur les troubles de la déglutition, quels sont vos conseils ?

La prise en charge des troubles de déglutition sera adaptée à la plainte exprimée par le patient et aux troubles constatés durant le bilan.

Ces troubles ne sont pas à prendre à la légère. Ils peuvent mener à une pneumopathie d’inhalation (inflammation des poumons) en cas de passages récurrents d’aliments ou de boissons dans les voies respiratoires (au lieu de l’œsophage), voire à la mort si la fausse route est obstructive, c’est-à-dire si elle bouche complètement les voies respiratoires (entraînant donc une impossibilité de parler, de tousser mais surtout de respirer) !

De ce fait, je donne systématiquement des conseils d’ordre général pouvant facilement être appliqués par le patient, tels que :

  • Garder la tête droite, voire le menton légèrement rentré vers la poitrine (voir schéma) pendant la déglutition
  • Prendre de plus petites bouchées
  • Manger plus lentement, mastiquer plus longtemps
  • Ne pas parler en mangeant et éviter les distractions durant les repas (télévision par exemple)
  • Privilégier l’eau gazeuse à l’eau plate
  • Privilégier les boissons fraiches aux boissons à température ambiante, car la température s’éloigne de notre température corporelle ce qui permettra aux organes de mieux détecter la présence de liquides.

 

Figure 2 Posture à adopter au cours de la déglutition

 

Ces conseils, s’ils sont appliqués, permettent de limiter la survenue des fausses routes.

 

Un grand merci à Anne-Sophie CARTIER pour sa disponibilité et ses précieux conseils.

Une question ? anne-sophie.cartier@aphp.fr

 

Sources :

http://www.afm-telethon.fr/sites/default/files/flipbooks/zoom_sur._la_myopathie_facioscapulohumerale/files/docs/all.pdf

https://www.orpha.net/data/patho/Pub/fr/DystrophieFSH-FRfrPub62v01.pdf

Dysphagia. 2008 Dec;23(4):341-7. doi: 10.1007/s00455-007-9141-0. Epub 2008 Feb 8.

Facioscapulohumeral muscular dystrophy: a radiologic and manometric study of the pharynx and esophagus. Stübgen JP1.